dimanche 20 mars 2016

Une victoire inespérée!


Quinze jours avant la Transgrancanaria, je décide, un peu sur un coup de tête, de m'inscrire au Trail du Ventoux. Je sais bien que ce n'est guère raisonnable, en termes de récupération ou de préparation pour le MIUT, mais une fois que j'ai ce projet en tête, rien n'y fait, j'y tiens absolument ! J'avais vraiment adoré le parcours en 2014 ; d'autre part, le fait que la course féminine soit très relevée me remplit d'enthousiasme et de motivation ! Bien sûr, je crains un peu de me faire laminer, sur un format rapide, avec des filles rapides, et en sortant d'un ultra, sur lequel j'ai orienté toute ma préparation hivernale. Mais depuis un an, j'ai pas mal travaillé sur mon ego et ma confiance en moi, et c'est donc sans nervosité ni appréhension que je fais route vers Bédoin dès le vendredi soir. Nous partons en Camping-Car, dans une belle ambiance puisque mon mari a amené un très bon copain avec lui, pour faire du VTT.
Samedi matin, pendant que les hommes partent pour un tour monstrueux à VTT, je vais randonner sur les crêtes du Ventoux avec ma chienne. Il fait beau, le paysage est magnifique, mais je constate qu'il reste beaucoup de neige ! 



L'après-midi, je tombe comme une masse pour une sieste de plus d'une heure : les Canaries ont laissé encore quelques traces apparemment :-)
Dimanche matin, je me réveille à 6h15 ; je pensais avoir une marge monstrueuse en mettant le réveil si tôt, mais finalement, je n'ai pas le temps de faire un échauffement aussi complet et aussi long que ce que j'aurais souhaité, compte tenu du fait que la course va forcément partir très vite ! Je me sens plutôt en forme, mais il fait un froid de canard ! Je regrette de ne pas avoir pris des petits gants fins.
8h05, top départ ! Cela part assez cool sur 500m, puis le rythme s'accélère sensiblement. Je suis rapidement distancée par Anne-Lise Rousset et Céline Lafaye… et un paquet de concurrents qui vont vite sur le plat. Certains soufflent déjà tellement fort que c'est un peu inquiétant, après 2 km de course !!
Dès que le chemin monte, je me sens plus dans mon élément. J'essaie d'éviter d'être en « mode ultra » et choisis plutôt le rythme « juste-au-dessous-de-l'asphyxie », ce qui est moins confortable mais gratifiant, puisque je remonte des wagons de concurrents… jusqu'à bientôt apercevoir Céline Lafaye ! 



Quelle surprise ! J'oublie toute prudence et la double, puis accélère pour tenter de creuser l'écart, passant de ce fait au mode « asphyxie complète » ! On nous annonce alors Anne-Lise à 25 secondes, ce qui est très rassurant. Je ralentis un peu, pour retrouver une allure plus confortable et fais surtout attention à avoir une foulée efficace et économique, dans ce joli single-track montant/vallonné, qui passe parfois en bord de falaise.
Bientôt, je me retrouve juste derrière Anne-Lise, puis la double, peu avant de rejoindre une piste descendante. Elle me repasse alors comme une fusée, me reprenant 300m en moins d'1 km ! J'admire sa foulée aérienne et légère. Mais voilà que survient une côte bien raide, qui me permet de la rattraper rapidement puis de la distancer.

S'ensuit une longue montée assez technique, avant de rejoindre la neige. Seule en tête, je peine à retrouver le goût de vraiment pousser la machine et je m'installe dans un rythme plus confortable, même si régulièrement, j'essaie de m'exhorter à accélérer, sans grand succès. Heureusement, des concurrents hommes m'entourent et c'est motivant. On rejoint une piste enneigée, que l'on emprunte sur 2 ou 3 km. Je n'avance pas, peine à trouver mes appuis, c'est très pénible. Heureusement, les organisateurs ont tracé un fabuleux sentier tout raide dans la neige : je m'y fait plaisir, le soleil brille enfin et la vue sur le sommet est incroyable. Encore un peu de piste enneigée (et ventée), et on rejoint le sommet. On longe sur 3-4 km l'arête sommitale dans la neige, c'est assez fastidieux. Je me fais doubler comme une bombe par Sangé Sherpa. Enfin, on atteint des sentiers plus secs en face sud. Je commençais à en avoir bien marre de courir un trail blanc !!


La suite de la course sera pour moi un grand moment de bonheur : de superbes descentes majoritairement monotraces, quelques courtes montées, toujours belles et, comme cela fait bien longtemps que j'ai quitté la zone d'inconfort respiratoire, je savoure le plaisir de courir, d'essayer d'aller vite et d'être économique.
Bientôt, on rejoint les coureurs du 26 km qui, globalement, font bien l'effort de me laisser passer. 


J'ai par contre la malchance d'être prise dans un bouchon à l'approche d'un tunnel qui passe sous la route. Personne ne veut me laisser passer, malgré mes protestations : c'est rageant de perdre une bonne minute à cause de cela, alors que tout au long de la course, j'ai tenté de gagner chaque précieuse seconde !!

Je finis enfin par m'extirper de ce tunnel et tente d'accélérer, pour rattraper le temps perdu. Une dernière petite montée/descente et puis c'est l'arrivée, en 4h30. Je suis vraiment contente de ce beau résultat, d'autant plus qu'il est inattendu. Bravo à l'organisation pour cette belle course, mais aussi à tous les coureurs qui, j'espère, ont pris autant de plaisir que moi à fouler les sentiers du « Géant de Provence ».

dimanche 6 mars 2016

Ma Transgrancanaria 2016



J'avoue céder un peu à la vanité en mettant cette photo que je trouve très belle! Merci Julien Chorier!



22h50, comme les autres coureurs, je suis tassée comme une sardine derrière l'arche de départ. J'éprouve soudain une certaine appréhension car ladite arche est très étroite et je crains de me faire pousser. Si je survis aux 50 premiers mètres de la course, je pourrai aborder les 125 km suivants avec une certaine confiance : je me suis bien préparée, mes problèmes d'anémie semblent momentanément résolus et surtout, j'ai une très grosse envie de courir ! J'ai même trouvé un assistant de choc, Javier Torrent. Quand le départ est donné, ça ne loupe pas, je me fais pousser plutôt brutalement ; j'ai aussi la surprise de voir tout le monde partir à fond. Au bout d'un km, une fois la côte atteinte les choses se tassent et je double toutes les filles et des wagons de coureurs. Je suis concentrée sur ma respiration et ma foulée, mon objectif étant d'être le plus détendue possible. Les premières heures de course sont pour moi un vrai bonheur : j'ai l'impression de dépenser peu d'énergie en courant, les sentiers sont beaux (enfin, ils semblent beaux car avec la nuit et la brume, on ne voit rien!), j'écoute de la belle musique, bref, je m'amuse. Et puis, passé le premier ravitaillement, je commence à me perdre : rien de grave, au total j'ai perdu 7 mn.. mais cela m'énerve : c'est tellement frustrant de gaspiller du temps et de l'énergie pour rien !
Une image du profil, pour plus de clarté 
Je mange régulièrement et je fais le constat que, niveau nourriture, je ne suis pas forcément encore très au point : j'ai prévu beaucoup trop de nourriture à mes postes d'assistance et je me pose pas ma de questions sur les quantités à ingérer : j'ai bon appétit, ce qui est une première pour moi sur un ultra, mais du coup, je crains de trop manger ! Je bois peu, car il fait froid. Le vent souffle fort, il pleut un petit peu.
Après Teror, je constate que je suis très en avance sur l'an dernier, puisque je vais faire toute la montée suivante, qui est superbe au lever du jour, de nuit. J'en profite pour me perdre encore un petit peu..
Au lever du jour, je rattrape plusieurs coureurs. Cela faisait plusieurs heures que j'était seule et je commençais à m'endormir un peu. Du coup, cela me rebooste, d'autant plus qu'un coureur me colle dans la belle et longue descente vers Tejeda que, imprudemment, je fais donc à bloc, tout en constatant avec joie que le brouillard se lève et que Roque Nublo est tout illuminé de soleil. Je me réjouis donc d'aborder la montée vers les sommets ! Cette montée est plus longue que dans mes souvenirs, mais elle est très belle, donc elle passe relativement bien. On fait une petite boucle vers Roque Nublo, puis on redescend en direction de Garanon. A l'attaque de la descente, je constate que mes muscles commencent à accuser le coup : de fait, j'ai mal un peu partout, des mollets aux épaules en passant par les quadriceps et les abdos ! Il reste encore 50 km, ce qui n'est pas rien !! Arrivée à Garanon, je me déleste enfin de ma grosse frontale Ferei (qui entre nous soit dit à tenu toute la nuit, à pleine puissance dans les descentes !!), ça fait du bien. Je bois un coup, change mon bandeau pour une casquette et des lunettes, puis repars rapidement : je souhaite creuser l'écart avant le départ du marathon car je crains de me faire dépasser par des hordes de coureurs.
Après une courte et raide montée, je constate, dans le début assez raide de la descente que j'ai du mal à descendre : je m'inquiète un peu, car la descente est longue, et dans l'état où sont mes jambes, je crains de ne pas arriver en bas ! Je prends une minute pour m'asseoir et me masser un peu. En repartant, les choses s'améliorent progressivement et j'arrive à faire une descente convenable, même si je réalise que les sections raides et pavées achèvent de me massacrer les muscles. Je commence aussi à avoir du mal à tenir mes bâtons sans éprouver de douleurs au dos et aux épaules. A Tunte, je fais le plein d'eau, et repars. J'ai un petit coup de mou au début de la montée : rien de grave, mais je constate que je marche là où, deux heures auparavant, j'aurais encore couru. Je me fais doubler par Thibault Baronian, premier coureur du marathon : sa foulée légère et aérienne me fait rêver, moi qui commence à me transformer en hippopotame pataud. Je remets ma musique, que j'avais cessé d'écouter depuis Garanon et, tout de suite, je me sens mieux. Je ne vais pas plus vite, mais je m'en aperçois moins :-)
Après un petit col, on emprunte un très long single en direction de Agayaures. Ce sentier à flanc de colline est superbe et, malgré la fatigue, je me fais extraordinairement plaisir. 
Arrivée à Agayaures (photo IrunFar) Foulée quelque peu rasante :-)
 A Agayaurès, dernier point d'assistance, je bois un peu, récupère 1/2 l d'eau, et entame au petit (vraiment petit) trot, la dernière montée de la course. Arrivée au col, le panneau qui indique l'arrivée à 15 km me déprime un peu : je pensais être à 12-13 km de l'arrivée. Je fais le calcul que, à 10 km/h, il me reste donc 1 h 30 de course ! Ouah ! Là j'ai vraiment mal partout !! J'essaie de me mettre dans une sorte d'état méditatif, d'oublier le temps ou les km et de me concentrer sur ma musique et les beautés de la nature. Ca marche par moments, mais pas tout le temps. Après une brève  descente caillouteuse, on arrive bientôt dans un lit de rivière asséchée, avec des gros galets irréguliers : le bonheur pour mes muscles déjà au bout du rouleau. Du coup, les chevilles sont moins souples que d'habitude et je sens qu'elles commencent à souffrir. Après 5 ou 6 km dans de telles conditions, c'est le bonheur de trouver enfin une piste damée. A 5 km de l'arrivée, à ma grande surprise, je vomis soudainement un petit coup, comme ça, de manière complètement inattendue! Du coup, j'ai soudain une grosse baisse de moral, car j'ai tellement mal partout que l'idée de courir encore 30 mn m'est insupportable! J'ai envie de m'asseoir, ou au moins de marcher un peu! Je verse même une petite larme, dans un grand moment d'auto-apitoiement. Ce moment passé, je continue à courir dans une sorte d'état second, tout en commençant à me faire régulièrement doubler par les marathoniens. Et puis soudain, enfin, l'arrivée est en vue ! Tout à ma souffrance, j'ai du mal à être contente, à réaliser que je suis en train de gagner la Transgrancanaria ! En franchissant la ligne, je suis un peu ahurie et tellement soulagée qu'enfin je n'aie plus à courir! 
La joie d'avoir gagné et surtout réalisé un très bon temps (15h23) vient ensuite. Pour finir, je voudrais vous remercier, vous qui me suivez sur Facebook, vous qui avez souvent de très gentils mots pour moi, dans mes réussites comme pour mes échecs.. Vous m'avez donné la force de finir cette course, merci!!

Photo Ian Corless. La joie de finir!



lundi 18 janvier 2016

Vive le Cacao cru!!

J'ai toujours été une grande adepte de chocolat.. Enfant, en bonne Suissesse, je ne mangeais que du chocolat au lait. Plus tard, j'ai découvert les saveurs du chocolat noir... de plus en plus noir, d'ailleurs. A présent, en-dessous de 90% de cacao, je trouve le chocolat un peu sucré, et j'ai beaucoup de plaisir à tremper un morceau de chocolat à 100% de cacao dans ma tisane du soir. Les gâteaux au chocolat  ont longtemps été les seuls à ravir les difficiles papilles de mes enfants et ont donc rythmé tous les grands et petits moments de notre vie familiale, au rythme d'au moins 1 gâteau par semaine, voire plus, bientôt complétés par des chocolats maison. Quand il n'y a ni gâteau, ni chocolat maison, chaque repas se termine tout de même toujours par un petit morceau d'une tablette, de préférence bio et équitable.. (Il y aurait beaucoup à dire sur l'éthique de la culture et du commerce du cacao, comme vient de nous le rappeler un tout récent scandale d'esclavage d'enfants sur des plantations de sous-traitants de Nestlé).
Pour les 2 ans de ma fille, en août 2010.

Et puis un jour, j'ai découvert le cacao cru! En me documentant un peu, je me suis aperçue que le chocolat traditionnel, y compris de superbe qualité, est issu de fèves de cacao torréfié à plus de 140°C, ce qui détruit quasiment toutes les vitamines, les minéraux et les oligo-éléments. Ces fèves sont ensuite décortiquées puis broyées à chaud pour en faire une pâte que l'on malaxe et refroidit avant de la transformer en beurre ou poudre de cacao. Toutes ces étapes de fabrication vident littéralement le cacao de ses richesses nutritionnelles.
C'est dommage, car le cacao est un aliment incroyablement riche. Voyez plutôt: (Je vous résume un peu, car on pourrait développer sur un livre entier)
 - Le cacao cru est une source alimentaire naturelle très riche en antioxydants.
- Il contient des neurotransmetteurs (tel que la sérotonine, et de PEA) qui jouent un rôle dans la régulation de notre équilibre psychique.
- Il contient, entre autres, du fer, du zinc et du magnésium en assez grande quantité.

 Quel usage faire du cacao cru?
Depuis un an, le cacao cru en poudre fait partie de mon quotidien: j'en enrobe mes truffes au chocolat, j'en saupoudre mes gâteaux, mais surtout, j'en mets une grosse cuillère à café bien bombée dans mon bol de porridge du matin. Il est aussi délicieux dans un fromage blanc, accompagné d'une cuillère de miel, ou même sur une tartine, ou encore en boisson. (1 cuillère de cacao cru +1 cuillère de miel dans une tasse d'eau chaude, de lait végétal ou de lait de vache, c'est bien réconfortant après une sortie dans le froid). Il est aussi très bon en tablette, bien sûr.

En me documentant encore un peu plus, je me suis rendue compte que le soin apporté au tri, au nettoyage et au séchage des fèves est déterminant.. et c'est ainsi que j'ai découvert que la société Sol Semilla est une des seules à respecter tous les critères de qualité dans ce domaine. 

Aujourd'hui, c'est un peu la fête, car j'ai reçu tout un assortiment de cacao cru, en tablette, en poudre, mais aussi en pâte...ce qui va me permettre de fabriquer mes propres chocolats! Recette à suivre bientôt!

lundi 28 septembre 2015

Trail des Aiguilles Rouges: une superbe journée!

J'ai décidé de m'inscrire au TAR peu après avoir opté pour une participation au Grand Raid de la Réunion: il me fallait une course de préparation, me permettant de me tester sans bâtons, sur un terrain raide et cassant, une course belle, me permettant de passer un bon moment, mais sans enjeu, afin que je ne sois pas forcée de me préparer spécialement. En effet, ayant repris un entraînement sérieux mi-septembre, il me semblait important de pouvoir bien charger les deux semaines suivantes, sans avoir à trop me reposer en vue d'une course.
Dans tout ça, j'ai un peu sous-estimé la fatigue induite par l'UTMB+ma rentrée+la famille, car je prends tout d'un coup conscience, la veille de la course, que je suis épuisée et que j'ai tout sauf envie de me tirer dessus. Mais le temps s'annonce beau, le parcours superbe et mon objectif premier est de me faire une sortie longue, donc je pars pour Chamonix en me fixant pour but de prendre un maximum de plaisir sans pression.
Je retrouve Helen Blatter, de Suisse, qui va me faire l'assistance, on est ravies de bavarder un moment. Quand le réveil sonne, je n'ai aucun entrain, ce que vont me confirmer mes premières foulées de mon maigre échauffement: j'ai l'impression que mon corps n'a aucune envie de se mettre en mode course et qu'il ne comprend pas ce que je lui impose.
Je m'étais exhortée à y aller cool, mais dès le départ, j'oublie toutes mes résolutions et je fonce comme si j'avais un animal à mes trousses: vu ma forme du jour, je suis asphyxiée avant même d'avoir quitté Chamonix. Je me fais doubler par des hordes de gens, dont Andrea, Marjorie, Delphine et Charlotte. Au bout de 3 km, je n'en peux plus, notamment parce que les gens qui me doublent ont tous l'air d'avoir un peu pitié de moi: je ne compte plus les "Allez Caro", "Allez numéro 1" (Eh oui, le dossard 1 est un peu lourd à porter quand on  n'avance pas..). Ce soutien est très gentil, mais je commence à avoir honte de moi. Me laissant momentanément dominer par mon égo, j'ai presque envie de jeter l'éponge, tant la honte me submerge. Mais il fait nuit noire, j'ai ma journée  pour moi, il fait beau, le parcours me plaît, alors je me dis que je serais bien bête, par fierté, de ne pas continuer, alors que je ne suis ni blessée ni malade. Tant pis si je finis loin derrière, l'essentiel est de prendre du plaisir. Je ralentis donc assez nettement le rythme et je me sens tout de suite mieux. C'est donc à une allure confortable que je monte vers l'Index et je savoure les paysages éclairés par la pleine lune. Au bout d'un moment, je cesse de perdre des places et commence à en gagner. Derrière moi, un long serpentin de frontales me rassure sur le fait que, contrairement à mes craintes, je suis assez loin de la dernière place.
A l'Index, Helen m'encourage et me donne une flask. Comme il fait un froid de canard, je bois peu et mange encore moins. Peu avant le Col Cornu, l'aube se lève, dans un paysage d'une beauté renversante. S'ensuit une traversée assez périlleuse au-dessus du superbe lac Cornu: les pierres sont toutes gelées. Je double alors pas mal de concurrents, un peu moins à l'aise dans ces terrains pierreux.
Dans la descente qui suit, je constate que, quand le souffle manque, ce n'est pas seulement gênant en montée mais aussi en descente: là aussi, je suis obligée de ralentir un peu par rapport à mon rythme habituel.
Dans la montée vers le Col du Brévent, je rejoins Marjorie, qui est alors 2e féminine. Après un court passage sur de la neige un peu gelée, on attaque une longue descente au cours de laquelle je vais passer 2e. S'ensuit une montée en pente douce (dans laquelle je suis peu capable de courir, à mon grand regret), vers le refuge de Moede-Anterne, éclairé par une lumière incroyable.


Passer au soleil est merveilleux, après plus de 4h dans l'ombre. Le spectacle de la mer de nuages ainsi que des sommets baignés de soleil est fantastique. Entre Moede-Anterne et le début de la descente sur Servoz, les chemins sont féériques et je suis extrêmement contente d'être là. Je peine d'ailleurs à m'exhorter à aller vite, car je rentre plus dans un état contemplatif que compétitif.
La descente sur Servoz est longue et superbe: je m'amuse beaucoup, tout en mangeant une poignée de fruits secs. J'ai plaisir à retrouver Helen, toujours souriante et sympathique.

Comme toutes les bonnes choses ont une fin, j'appréhende un peu la longue remontée vers le Prarion. Elle est d'autant plus longue qu'elle a été rallongée d'un km par rapport à 2012.
Finalement, cela passe bien, sans doute parce que le rythme que je m'impose n'est pas très rapide. Je découvre aussi que, mener une course un peu en dedans est quand même beaucoup moins dur - mentalement et physiquement - que mes courses habituelles, au cours desquelles je me fais vraiment violence.

L'arrivée au Prarion est superbe, comme toujours. 

Mes jambes ont un peu de mal à s'habituer à la descente qui suit et mes genoux grincent un peu, mais une fois lancée, tout se passe bien et j'apprécie vraiment la descente qui suit jusqu'aux Houches. Faire encore le tour du lac m'apparaît comme un peu superflu, mais je m'y prête de bonne grâce et me voilà enfin à l'arrivée, pas fière de moi mais contente de cette belle sortie!


J'ai sans doute pêché par optimisme en pensant que je pouvais m'entraîner dur pendant une semaine, puis prendre le départ d'une course en étant alerte et rapide. Certains peuvent le faire, pas moi. J'ai mesuré durant cette course combien la fraîcheur physique est importante et pas seulement en montée: je me suis sentie moins dynamique, moins agile, moins légère que d'habitude. C'est une bonne expérience en vue de la Réunion et de mes autres courses importantes.
Un immense merci à Helen, à ma famille et à tous ceux qui me soutiennent. Et un très grand bravo à tous les coureurs qui ont eu la joie de participer à cette course, et en particulier à Andrea, qui était bien la "patronne" ce jour là!




lundi 20 juillet 2015

Eiger Ultra Trail: quel parcours!

Trois semaines entre deux ultra, c'est peu, surtout quand ces trois semaines coïncident avec le début de mes vacances d'été, qu'il fait un temps fabuleux, peu propice à rester vautrée dans un canapé (ce qui, de tout de manière, n'est pas trop le genre de la maison, vous l'aurez compris :-) ).
Entre une série de sorties de vélo "de récup", une longue reconnaissance de l'UTMB et une suite de belles sorties (toujours censées être courtes, mais toujours plus longues que prévu) dans le Val d'Aoste, je finis par constater, quatre jours avant la course, que je suis plutôt fatiguée et que mon tendon d'Achille droit est douloureux. L'avant-veille de la course, je constate que mon coeur bat à 48 puls/mn au repos, contre 32 avant les mondiaux! C'est mauvais signe, mais bon, je me trouve plein d'excuses (la chaleur, le stress, etc..) et je reste très confiante puisque c'est bien connu, en ultra, c'est dans la tête que ça se joue :-) Non, trève de plaisanterie, je me dis que, c'est sûr, je n'aurais clairement pas mes chances sur une course de 20 km, mais que, sur la longueur, même si la forme physique générale n'est peut-être pas au top, il y a tellement d'autres paramètres qui rentrent en ligne de compte que cela peut bien se passer quand même, d'autant plus que, le footing de veille de course me rassure beaucoup: les muscles sont détendus, je me sens légère et dynamique, bref tout va bien!
Ce qui nous attend
Arrivée à Grindenwald, j'ai la mauvaise surprise de constater que la plupart des routes que j'avais repérées sur la carte pour rejoindre les postes d'assistance sont fermées à la circulation et que, la seule solution est d'emprunter les remontées mécaniques, solution qui me paraît trop compliquée pour être improvisée à la dernière minute et aussi trop onéreuse. J'appelle donc Julien, qui devait venir depuis Strasbourg dans la nuit pour m'assister et le dissuade de venir, me sentant vraiment trop de scrupules à lui imposer des heures de route pour aboutir à une probable grosse galère une fois sur place, à se stresser pour rejoindre ces postes d'assistance en train ou en télécabine.
Il est alors 17h, et il me reste peu de temps pour essayer de trouver une solution pour me passer d'assistance tout en me ravitaillant au mieux. Après un bref regard déprimé à tous les bons muffin spéciaux que je m'étais préparés exprès pour l'occasion, ainsi qu'à tous mes sticks de boisson énergétique hydrixir goût citron qui me conviennent si bien, je comprends qu'il est carrément impossible que j'emmène tout avec moi, sous peine de me transformer en sherpa.
Je n'emmène finalement que 2 muffin et un peu de boisson, décidant de prendre le risque de me servir des boissons et aliments fournis par l'organisation. Toutes ces réflexions me stressent un peu et, une fois n'est pas coutume, je ne trouve pas le sommeil avant 23h, si bien que je peine à me réveiller à 3h30. 
A 4h30, c'est parti! Après quelques km, je prends vite la tête de course, m'efforçant de courir détendue, de bien respirer et d'économiser mon énergie. On s'élève rapidement en direction des crêtes, le paysage s'annonce superbe et la journée est belle. Le début est plutôt roulant, la première descente se faisant d'ailleurs carrément sur une route bien raide. En bas de cette route, je suis rejointe par Mercedes, coureuse espagnole avec laquelle j'avais déjà bien lutté à la CCC 2013.
Je mets donc un sérieux coup d'accélérateur dans la montée suivante, ce qui me permet de doubler pas mal de monde. Le parcours devient plus technique, les sentiers étroits et caillouteux, je commence à bien m'amuser. Dans cette première section de course, durant laquelle les vues sont somptueuses (On voit parfois l'Eiger sur notre gauche et les lacs de Thun et Brienz en contrebas), il y a toute une série de chemins traversants de toute beauté: ludiques, techniques, bref, je suis très contente d'être là.
Au Faulhorn, point culminant de la course, je rejoins Christophe Le Saux, qui m'encourage gentiment, puis j'attaque la superbe descente qui suit en compagnie de Freddy Thevenin et d'un autre coureur, avec lequel je vais d'ailleurs cheminer très longtemps.
Plus loin, on entame la longue, raide et cassante descente qui nous mène à mi-parcours, à Burglauenen. J'ai déjà les cuisses en feu et ma douleur au tendon d'Achille devient plus forte, mais le moral est bon. Seul problème: à improviser mes ravitaillements, je mange beaucoup moins que prévu et, je réalise à Burglauenen (52km/3200mD) que, en 6h15 de course environ, j'ai dû manger un muffin et une banane +2-3 coca et 1,5 l de boisson énergétique. Je m'enjoins alors fermement à me servir à chaque ravitaillement.
A la sortie du ravitaillement de Burglauenen
La 2e partie de course commence par une longue montée, qui se passe assez bien, même si, en arrivant en haut, je commence à être proche de vomir. Heureusement, je parviens à manger une banane, ce qui fait instantanément disparaître ce sentiment de malaise. On se rapproche gentiment de l'Eiger, mais par des chemins éprouvants, qui ne cessent de monter raide... et de descendre raide. Dur... dur. Le malaise me reprend 2 heures plus tard, alors que je monte une superbe crête de moraine qui longe l'Eiger. 
On passe par là! (Le sentier que l'on voit sur la droite)
J'ai vraiment besoin de manger car, la boisson énergétique fournie par l'organisation ne me convient pas, si bien que cela fait un moment que je tourne à l'eau. Heureusement, cette montée superbe mais assez terrible fait place à une descente magnifique, ce qui fait que, passé les premiers hectomètres durant lesquels les jambes étaient plus que flageolantes, je me sens bien. Malheureusement, le ravitaillement suivant n'est qu'un ravitaillement liquide et je ne peux avaler qu'un coca, en espérant que son sucre suffira à me nourrir. Je me hâte donc de rejoindre le ravitaillement d'après, que je pense être tout en bas de la vallée, avant la dernière montée. Mais arrivée au terme de cette interminable descente de 1500 mètres de D, je constate que le ravitaillement est au moins 2km plus haut! Argh! Mais j'ai besoin de manger, moi!!
Si je fais le compte, j'en suis à plus de 11h de course et ma dernière 1/2 banane a été avalée près de 3 heures auparavant. Cela fait un peu juste et je regrette amèrement de ne pas avoir été plus prévoyante en emportant une ration de secours. 
La montée vers l'avant-dernier ravitaillement se passe finalement plutôt bien, malgré une envie de vomir de plus en plus insistante. Mais le chemin est superbe, passant par des gorges somptueuses. Cela fait plusieurs heures que je n'ai plus aperçu le moindre concurrent et je peine à me motiver pour vraiment relancer lorsque la pente le permet. Je sens bien que je pers du temps, à marcher là où je devrais courir mais c'est peine perdue, je n'arrive pas à me faire violence et j'ai aussi les jambes et surtout le tendon d'Achille trop douloureux pour conserver une foulée dynamique.
Dans la dernière portion
L'avant-dernier ravitaillement, que j'atteins presque les larmes aux yeux tellement j'ai envie de manger.... n'est qu'un poste liquide!
Bon, et bien il ne reste que 2km avant le suivant, cela devrait aller, d'autant que le chemin est superbe et ombragé. Mais il est quand même raide et je n'avance plus! J'enlève ma musique, écoutée sans interruption depuis le départ, pour essayer de ne pas trop m'endormir, mais cela devient dur. 
Au ravitaillement suivant, je crois avoir suscité quelques regards étonnés lorsque je me jette sur le coca et une demi-banane comme une sauvage. Enfin! Lorsque je repars dans la descente finale, j'ai mal au ventre et je titube sur la piste. Je me moque un peu de moi-même, en me disant que je dois faire peine à voir.
Un ou deux km plus loin, cela va beaucoup mieux et je retrouve une foulée à peu près normale, ce qui me permet d'arriver finalement assez vite en bas de Grindenwald. Une courte mais raide montée et me voilà enfin à l'arrivée, heureuse et émue. Je m'étais fixée une arrivée en 13h et je termine en 12h45, donc l'objectif est plus que rempli, malgré les difficultés du jour.

En conclusion, je suis vraiment ravie d'avoir participé: le parcours est magnifique et, quoiqu'on m'en avait dit avant, il est largement assez technique et difficile pour moi, vraiment un cran au-dessus de la CCC, par exemple. L'organisation est au top. Quand à moi, j'ai encore appris beaucoup sur moi-même et pris la mesure de l'importance de bien se ravitailler et de bien connaître le parcours. Encore une fois, merci à tous ceux qui me suivent, me soutiennent et m'encouragent. Je vous dois beaucoup!

lundi 29 juin 2015

Lavaredo Ultra Trail: Ma meilleure course?

Cela faisait des années que je rêvais d'aller dans les Dolomites. Mais parfois, entre ce que l'on veut et ce que l'on peut, il y a un certain décalage. J'aurais bien aimé pouvoir prendre une grosse semaine sur place pour préparer au mieux ce LUT et profiter de la région, mais malheureusement, je travaillais jusqu'à mardi midi. C'est donc mardi soir, après un voyage assez épique (orage monumental, bouchons, et même un glissement de terrain à 5km de Cortina) que nous arrivons sur place, dans un charmant hôtel familial, l'hôtel Menardi, où malgré l'heure tardive, nous sommes accueillis chaleureusement.
Le mercredi, je découvre le paysage époustouflant qui nous entoure, sous un soleil radieux. Mon mari me dépose au refugio Gallina, qui sera le km 95 du parcours, dont je souhaitais reconnaître les 26 derniers km. Les paysages et la lumière sont incroyables et c'est donc sur un rythme bien tranquille, entrecoupés de multiples pauses pour m'imprégner de la magie des lieux et admirer les multiples marmottes dont je croise la route, que je rejoins Cortina. L'après-midi est un vrai supplice, puisque je n'ai qu'une envie, celle de parcourir une des multiples via ferrata qui surplombent Cortina.
Le jeudi, je parcours les 16 premiers km de la course, ce qui là aussi me prend un certain temps. Quand je rejoins le refugio Ospitale, où je dois récupérer mon vélo pour retourner à Cortina, je me sens assez fatiguée et commence à me demander si je n'en fais pas un peu trop, pour une veille de course. L'après-midi est donc vraiment tranquille et je ne m'attarde pas à la remise des dossards. Le vendredi, jour de la course, commence par une courte mais incroyable ballade autour des Tre Cime, avant d'aller siester une bonne partie de l'après-midi. Ensuite commence l'étrange attente, qui me semble interminable.
 A 22 heures, alors que je commence à être plus d'humeur à lire tranquillement ou dormir, il est temps de me préparer. C'est assez étrange, de sortir s'échauffer dans la nuit, à une heure où, habituellement, je dors déjà depuis un petit moment. De fait, je me sens toute molle, pas anxieuse ni nerveuse pour un sou, mais pas vraiment décidée à forcer, ce qui fait que mon échauffement se réduit à un vague trottinage désordonné. Je croise Brice, mon collègue de chez Hoka, et on se place ensemble au départ. Le speaker a beau en faire des tonnes, la foule nous acclamer, la musique tenter de nous émouvoir, je n'éprouve aucune émotion, aucun stress et peine à réaliser que je pars pour 119 km. Quand le départ est donné, j'ai d'ailleurs l'étrange sensation, sur le premier km, de courir comme si je prenais un tapis roulant à l'envers. Au bout de 500 mètres, Nathalie Mauclair est déjà plus de 100 mètres devant moi, au bout d'un kilomètre, je ne la vois même plus. 
Lorsqu'on attaque la première côte, j'ai enfin la sensation de réintégrer mon propre corps et de pouvoir être à l'écoute de mes sensations. Durant la première ascension, je me sens d'ailleurs de mieux en mieux, si bien que, quand on attaque la belle descente qui suit, je ne peux m'empêcher d'aller à fond, juste pour le plaisir. 8km de pistes plates ou montantes plus loin, on arrive au refugio Ospitale, où est situé le premier ravitaillement. Adrian Perez, mon fantastique assistant, m'annonce 5 mn de retard sur Nathalie. Je suis un peu surprise que l'écart soit si important, car je n'ai pas trop traîné en route.

S'ensuit une longue ascension, suivie de superbes morceaux de descentes, jusqu'au second ravitaillement de Federavecchia (KM33). Je dépasse régulièrement des concurrents et me sens bien, tout en veillant à ne pas m'emballer et à conserver une allure fluide et détendue. On m'annonce 6 mn de retard, ce qui me surprend un peu car j'ai vraiment l'impression d'avoir bien avancé sur cette portion. Je me dis que Nathalie est sans doute dans un grand jour et que, ma foi, si elle est meilleure, tant mieux pour elle et que je dois juste gérer ma course en écoutant mes sensations propres et sans me laisser affecter par quoi que ce soit. Le chemin en direction du refugio Auronzo (km48) est juste incroyable, alternant petits sentiers ludiques, et belles portions de montées. Avec une belle musique dans mes oreilles,  en pleine nuit, je suis au paradis et souhaiterais d'ailleurs que le jour ne se lève jamais. Arrivée à Auronzo, on m'annonce 1mn de retard sur Nathalie... et bientôt, je la rejoins. 

L'aube se lève et on peut profiter des Tre Cime qui nous surplombent, il fait bien frais, c'est magique. Mais je tergiverse un peu: dois-je doubler Nathalie, au risque de reproduire la situation des mondiaux, durant lesquels je menais la course sans jamais connaître les écarts avec elle et m'étais fait reprendre sur la fin, ou dois-je me caler sur son allure et m'économiser pour la doubler plus loin? J'hésite un peu, et puis en voyant qu'elle commence à marcher dans une montée que je me sens largement capable de courir, je la dépasse, puis accélère pour essayer de creuser l'écart. Durant les 10 km de descente qui s'ensuivent, je suis à bloc et dépasse au moins 4 ou 5 concurrents, dont Freddy Thevenin, le sympathique coureur de la Réunion, qui me sauve la mise en m'évitant une trop sérieuse erreur de parcours, lorsque je m'engage dans la mauvaise direction.

S'ensuivent 6 ou 7 km de piste plate et monotone, qui m'entament sérieusement, d'autant plus qu'ils précèdent une montée qui a juste, à mon goût, la mauvaise pente: trop plate pour marcher, trop raide pour courir facilement. Je m'efforce de courir, ou au moins d'alterner marche et course, si bien qu'arrivée en haut, je suis fracassée et ai l'impression de ne plus savoir coordonner mes mouvements. Heureusement, la descente qui suit est facile et jolie et je retrouve progressivement de l'énergie. Au ravitaillement du 77e km, je suis à nouveau toute fraîche et motivée et m'apprête à attaquer une belle montée. J'ai dû mal lire le profil, parce que, en fait de montée, c'est une magnifique descente dans les bois qui m'attend. Elle commence assez mal, puisque, occupée à manger une banane, je ne regarde pas bien le sentier et me prend une gamelle assez violente, d'autant plus que, pour sauver mon repas, je ne me suis pas rattrapée correctement avec mes mains.
Sonnée, il me faut un peu de temps pour pouvoir marcher à peu près droit mais, persuadée que Nathalie est à mes trousses, je ne m'autorise pas de temps mort. Quelques km plus loin, on entre en bas du Val Trevenanzes, et je sais qu'une montée de 1000m sur près de 10km nous attend. Le paysage est grandiose, mais, petit à petit, je me sens de plus en plus mal. J'ai soif, mais en même temps, j'ai l'impression de me gorger d'eau; ma banane est loin, mais rien que de penser à manger, j'ai envie de vomir... envie qui commence à devenir insistante!
Je décide alors d'essayer de me déconnecter mentalement de mon effort et je me mets à penser à tout et à rien, au livre que je lis, à mes enfants, à des recettes de cuisine.. Cela ne marche pas si mal et, progressivement, l'envie de vomir s'atténue. Par contre, le sentier est quand même pénible, puisqu'il parcours longuement un lit de rivière, rivière que l'on franchit d'ailleurs régulièrement. A force, je finis évidemment par atterrir à pieds joints dans l'eau, puisque, n'ayant pas envie de perdre du temps à chercher les bons passages pour traverser, je tente des sauts de plus en plus hasardeux. Au bout d'un moment, je crois être arrivée au col, enfin! Youpi, la fin est proche! Mais Argh! en fait de col, c'est juste un tournant, et la vallée continue à perte de vue! C'est atroce!
Mais comme tout à une fin, je finis enfin par arriver au vrai col et à entamer la longue descente, entrecoupée d'une rude montée, qui me mène au Col Gallina. Je rattrape alors un concurrent, le premier depuis au moins 2 heures de temps. Au Col, je retrouve mon assistant et manque de pleurer de joie d'en avoir enfin fini avec cette galère. Enfin je vais pouvoir aborder la dernière portion du parcours: une petite montée de rien du tout, des beaux sentiers en balcons, ça va être super! Mais, à mon grand étonnement, on ne rejoint pas du tout la montée que j'avais parcouru en reconnaissance; au contraire, on part dans le sens opposé et on se met à descendre carrément franchement. Ouh, ça sent le roussi, ça! Ce qu'on descend, on devra forcément le remonter! Et effectivement, la "petite montée de rien du tout" se transforme en 500m de D+! Mais étrangement, plus je monte, plus je me sens en forme et, arrivée en haut, j'ai la bonne surprise de constater que je suis très à l'aise dans la descente qui suit. 
Et là, enfin, on rejoint les sentiers que j'avais parcourus mercredi. Ils sont beaux, techniques et je m'amuse, toute étonnée de voir que, pour la première fois sur une course aussi longue, je n'ai ni mal de dos, ni mal de ventre ou de genoux qui m'empêchent de bien courir en descente! De nouveau, au Passio Giau (km 102), je suis toute émue et manque de pleurer en voyant mon assistant. Je sais maintenant que je vais aller au bout de cette course. Je m'emballe un peu trop et, dans une descente raide, je manque de me prendre une chute monumentale et me rattrape de justesse! Je prends cela comme un avertissement et m'enjoins de me concentrer un maximum. 
Encore deux montées, dont une assez sévère, et je rejoins enfin la belle descente finale, durant laquelle je rattrape encore un concurrent dans les parties techniques. Mais me voyant arriver, il pose une belle accélération sur les pistes vallonnées qui nous amènent au-dessus de Cortina et je n'ai pas du tout le coeur de me bagarrer pour une place. La fin est rude, puisqu'on remonte un peu pour aller rejoindre le haut de la ville. Une fois en ville, je suis de plus en plus émue et portée par les encouragements chaleureux des gens. Une courte remontée et c'est enfin l'arche d'arrivée! J'apprends alors que, avec mes 13h40'34'', je ne suis qu'une heure et 5 mn derrière le gagnant du jour (8%) et que je me place 10e au scratch. Je n'en reviens pas! J'attends Nathalie pour la féliciter, sans me rendre compte que de rester ainsi au soleil, assise sur mon banc, m'épuise et je vais d'ailleurs le payer assez cher au cours de l'après-midi puisque je me sens incroyablement mal: je suis bientôt incapable de rester assise, de boire ou de manger. Heureusement, ça finit par passer et, le soir, je suis capable d'aller savourer une bonne pizza!

En conclusion, je dirais que, plus je fais de l'ultra, plus je réalise que c'est un effort incroyablement mental: il faut être capable de se tirer dessus, de résister constamment à l'envie de marcher au lieu de courir/de s'accorder un moment de répit/de s'asseoir un petit moment pour souffler. Je crois que c'est surtout cet engagement mental qui est épuisant et qui fait qu'il est difficile de courir trop d'ultra dans une saison.

Enfin, un immense merci à tous ceux qui me soutiennent et en particulier à mon fantastique assistant Adrian Perez! Merci aussi à vous lecteurs, si vous avez pu venir à bout de mon long récit sans vous endormir :-)



lundi 1 juin 2015

Vice-Championne du Monde!

Alors que, jusque là, les mondiaux ne tenaient pas une grande place dans mon esprit, j'ai commencé à y penser nuit et jour dès le début du mois de mars. De fait, jamais je ne m'étais préparée ainsi pour une couse, tant au niveau des charges d'entraînement que sur le plan de mon hygiène de vie, qui est devenue quasi monastique à partir du mois d'avril :-)
De fait, toute cette préparation, si rigoureuse, a commencé à devenir pesante et il me tardait que le jour J approche.
Les jours précédant le grand événement, j'étais partagée entre confiance et appréhension, car je craignais un coup du sort de dernière minute, comme l'infection qui m'avait coupé les jambes aux Templiers fin 2014. Mais la veille de la course, je suis pleinement rassurée puisqu'il me semble être en forme!
C'est donc assez détendue que je vais me coucher tôt, pour un réveil plein d'enthousiasme vers 1h45. Après un bon échauffement, je suis fin prête sur la ligne de départ.
Très concentrée, je suis "dans ma bulle"

Au départ, je reçois des gravillons dans les yeux et manque de chuter. Je me reprends, un peu groggy, et m'efforce d'être à l'écoute de mes sensations pour trouver la juste limite entre le trop vite et le trop lentement.
La montée au Semnoz se passe bien, je suis plus ou moins avec Anne-Lise et Nathalie. Au sommet, je constate que j'ai plus de 8 mn d'avance sur mon temps 2014! Je suis réjouie mais sais que le plus dur reste à faire! Ravito express, je prends les bâtons, pose la frontale (Après un peu d'hésitations car il fait sombre) et entame la descente. Je ne tarde pas à doubler Anne-Lise mais nous allons rester au contact encore 5 ou 6 bons km. Nathalie est juste derrière moi. Dans la montée de la Cochette, je creuse un peu l'écart: je pense que mes bâtons sont un bel avantage, car les chemins sont parfois boueux! Jusqu'à Doussard, la course se passe très bien, même si j'aurais souhaité attaquer plus en descente; mais je crains une chute fatale, donc je reste prudente.
A Doussard, contente de constater que j'ai 20mn d'avance sur mes temps 2014!
A Doussard, Pascal Balducci m'annonce que je n'ai que 2 mn d'avance sur Nathalie. Je prends donc moins de temps que prévu pour me ravitailler et fonce vers la montée de la Forclaz. Cette montée se passe au mieux, puisque je cours quasiment tout du long. (Je vais d'ailleurs creuser un peu l'écart, qui passe à 4mn). A Montmin, je rejoins Sangé Sherpa, qui m'encourage gentiment. On va se suivre un bout de temps. Je me sens toujours bien mais suis moins tonique sur les relances: je le vois bien puisque Sangé me distance toujours à ces moments là, tandis que je le rattrape dès que la pente s'élève. Mon premier "coup de barre" arrive sous le col des Frêtes. J'ai un peu mal au ventre et la tête qui tourne. J'appréhende donc la descente qui suit. Elle se passe finalement plutôt bien mais je me rends bien compte qu'elle ne me permettra pas de creuser l'écart. De fait, c'est dans les pistes larges et vallonnées qui mènent à Menthon que Nathalie va combler son retard; je perds une précieuse minute à remplir de l'eau et à faire une pause-pipi et c'est ainsi que, lorsque je sors du ravito de Menthon, j'aperçois Nathalie qui rentre. 
Je fais l'erreur de trop me charger en eau et peine à relancer et c'est ainsi qu'elle me double un peu avant Bluffy. Je suis anéantie!
Sous le choc, alors que je viens de me faire doubler

De fait, Nathalie réalise un superbe coup de bluff puisqu'elle accélère prodigieusement, me donnant ainsi l'impression que je n'ai aucune chance de la suivre, alors qu'une fois hors de vue, elle va bien ralentir l'allure. Belle leçon de tactique de course!
J'essaie de rassembler toutes mes forces physiques et morales pour continuer à accrocher la victoire mais, la fatigue n'aidant rien, je n'y arrive plus. Le coeur n'y est plus.
La montée au Veyrier ne me paraît pas trop longue, même si je suis dans une sorte d'état dépressif. On m'annonce près de 4mn d'écart au sommet. Je m'efforce de rassembler toute mon énergie physique et mentale pour faire une belle descente.
Concentrée et fatiguée, je n'ai pas le temps d'apprécier le panorama :-)
Malheureusement, à peine la descente commencée, une douleur au dos apparaît, qui me gêne beaucoup. Puis ce sont les vertiges. J'opte alors pour la prudence: vaut mieux finir 2e que ne pas finir du tout!
Arrivée au lac, mon voisin m'annonce 1'35 d'écart sur Nathalie. Abattue, épuisée, je termine lentement et finalement, je suis à 2'22.
Enfin l'arrivée!

A l'arrivée, je suis partagée entre joie et abattement. Joie de ce titre de Vice-Championne du monde, de ce chrono incroyable (42 mn de mieux qu'en 2014; soit-dit en passant de quoi monter sur le podium masculin de la Maxi-Race open).
Mais aussi beaucoup de déception: 2 petites minutes et c'est le titre mondial qui m'échappe, alors que je commençais à y croire. Je sais aussi que, dans le monde du trail, on ne parle bien souvent que de la première fille et que ces 2 mn vont faire toute la différence.
Avec la championne du jour, qui m'a impressionnée par sa ténacité. Bravo Nathalie!

Lorsque j'accueille l'espagnole Maité Mayora Elizondo, que j'admire depuis longtemps pour ses belles performances, je suis touchée par ses larmes de joie.
Le podium du jour
Plus tard, viendront les podiums avec un beau titre par équipe.


Au final, je pense que j'ai accompli une course exceptionnelle, repoussant un peu plus loin mes limites physiques et mentales. J'ai appris beaucoup sur moi-même et suis heureuse d'avoir eu la chance de vivre de pareils moments!
Un immense merci à Luc, mon mari, pour son soutien sans faille, à mes enfants qui m'apportent leur énergie et leur joie de vivre, à mes parents, pour les mêmes raisons, à Philippe Propage pour avoir été tout simplement formidable, à Pascal Balducci pour ses conseils avisés et à Hoka, pour le soutien matériel et moral!